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25-10-2010
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Nature : l’addition s’il vous plaît !

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Nature : l'addition s'il vous plaît !
(Légende photo : publicité pour le zoo de Buenos Aires Crédit photo : DR)
 
Notre insecte-chroniqueur, en direct de la Conférence sur la biodiversité de Nagoya, met aujourd'hui son habit de pédagogue. Il nous explique la différence entre coût, valeur et prix et défend la « valorisation » des services rendus par la nature.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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La Joconde, ça vaut combien ? Elle a une valeur inestimable, vous répondra l’amateur d’art. Ça coûte combien ? Et, bien, si on additionne le prix de la toile, de la peinture à huile et du vernis, plus l’usure des pinceaux et le temps qu’a passé dessus le peintre, peut-être quelques milliers d’euros, tout au plus. Et sur le marché de l’art, quel serait son prix ? Elle n’est pas à vendre, en tout cas pas dans les circuits légaux. Alors ça veut dire que, même si je mets le prix, je ne peux pas l’acheter ? Et bien non, désolé cher Monsieur, la Joconde, comme Notre-Dame ou la Bonne-Mère à Marseille, ça n’est pas à vendre. Ça fait partie du patrimoine mondial de l’humanité.

Finalement, le marché de l’art et la biodiversité, c’est pareil, à peu de choses près. Hélas, en parlant un peu trop, et trop vite, on en vient parfois à tout mélanger. Coût, valeur et prix sont des choses éminemment différentes.

Le coût, c’est combien ça coûte à fabriquer. Dans le cas des services rendus par la nature, c’est gratuit. L’eau qui a été filtrée par un bassin versant non pollué, à travers prairies, forêts et zones humides est de bonne qualité, et elle n’a pas coûté un sou vaillant. Evidemment, quand on dégrade, il faut réparer. Donc là, ça peut coûter quelque chose : le coût du reboisement, de la plantation des haies, de la dépollution des sols ou de la conversion au bio de l’agriculture, par exemple.

La valeur, c’est la dimension patrimoniale du bien, ou éventuellement une estimation de sa contribution au patrimoine et au bien-être. Si je devais établir un bilan, je mettrais combien à la ligne « bassin versant de l’Huveaune » ? Une somme certaine si l’écosystème est en bon état, permet de dépolluer les eaux, de fixer les nitrates, de maintenir les berges et d’abriter oiseaux et insectes qui amélioreront le cadre de vie et les rendements de l’agriculture. Beaucoup moins si le bassin versant est pollué, si les berges, parce qu’elles auront perdu leur couvert végétal, s’érodent, et si les habitats pour la faune ont disparu.

Le prix, c’est la somme que vous devrez donner au propriétaire, s’il existe, pour acquérir ce bien, ce terrain, ce stère de bois ou ce panier de champignons. Le prix n’existe et n’a de sens que s’il y a un vendeur, un acquéreur, et un marché sur lequel l’échange aura lieu. Ce marché est encadré par la loi qui fixe le cadre dans lequel les transactions peuvent avoir lieu.

Dans les commentaires qu’on peut lire un peu partout sur le projet TEEB (« The Economics of Ecosystems and Biodiversity »), la reconnaissance de la valeur des écosystèmes et de la biodiversité, voire la « monétarisation de la nature », on trouve un peu de tout et parfois n’importe quoi. Reconnaître une valeur à la nature où chercher à estimer, en valeur monétaire, quelle est la contribution des écosystèmes ou de telle ou telle espèce animale ou végétale à l’économie, ça ne veut pas automatiquement dire qu’on crée un marché de la biodiversité. Chercher à fixer des valeurs de référence à des fins assurantielles, fiscales ou pénales (pour fixer le montant d’une amende, l’assiette d’une contribution fiscale ou le montant d’une indemnité), ne veut pas dire fixer un prix. Si le bras d’un pianiste peut être estimé en valeur assurantielle à 200 000 euros, ça ne veut pas dire qu’on crée un marché des bras et que, contre 200 000 euros, vous avez le droit de couper le bras de votre voisin pianiste, même si le son de ses gammes vous exaspère…

Cet exercice de valorisation a d’ailleurs ses limites. On a pu ainsi, entre 2007 et 2009, chercher à estimer quelle est la contribution des insectes pollinisateurs à l’agriculture. Comme les denrées agricoles bénéficiant de la pollinisation (fruits, légumes, oléagineux) ont elles-mêmes une valeur marchande, on a pu trouver une fourchette crédible de 153 milliards d’euros. Ce qui, au passage, ne veut pas dire qu’il suffirait de diviser cette somme par le nombre d’abeilles vivant sur terre pour connaître le prix d’une abeille. Mais qui se hasarderait à chercher à estimer la valeur économique de la photosynthèse ? Comme aucune vie animale ne serait possible sans cette propriété des plantes, des algues et de certaines bactéries, la valeur serait de fait infinie.

Enfin, dernier point à rappeler peut-être, l’économie a son champ de compétence et d’utilité, mais elle ne dit rien de l’éthique, du droit ou de la justice qui sont des conventions sociales et doivent donc être débattues par les citoyens. Comme l’a dit Amory Lovins, l’un des vôtres, un humain coauteur du livre au titre évocateur Natural Capitalism (Avec Paul Hawken et Hunter Lovins), « le marché », je le cite, « est un bon serviteur, un mauvais maître et la pire des religions ». A bon entendeur, salut…

Mais c’est quand même un comble que ce soit moi, avec mon petit cerveau de scarabée, qui soit obligé de vous donner un cours d’économie, non ?

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