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La mondialisation vue depuis un cargo

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La mondialisation vue depuis un cargo
(Crédit photo : Benka Morvan - avenirclimat.info)
 
Vous n'avez jamais rêvé d'embarquer sur un navire de marchandises pour voguer d'un continent à l'autre ? C'est ce que vient de vivre le blogueur Benka qui achève un tour du monde de deux ans sur le thème du changement climatique.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Voici le texte que Benka a écrit récemment à bord du cargo Grande Nigeria de la compagnie italienne Grimaldi.

« Bientôt l’arrivée à Amsterdam. Depuis quelques jours, je n’ai pas touché terre. Je suis à bord d’un cargo. J’ai embarqué à Tema au Ghana le 31 mai, nous sommes partis le 1er juin. A part un arrêt le lendemain, nous ne nous sommes pas arrêtés. J’ai choisi ce mode de transport pour rentrer en Europe et terminer un voyage débuté en février 2008. Dix jours de mer pour remonter du 4e parallèle au 52e de latitude nord. La vie à bord est monotone mais je ne m’ennuie pas. Mille et un détails animent la dernière partie de ce voyage que j’ai voulu atypique. La Terre est immense, une bonne partie est couverte par les océans que je connais peu et qui sont peu visités. Je me devais de le faire, par curiosité. Je voulais aussi prendre la mesure de ce passage de l’Afrique à l’Europe et découvrir la vie d’un cargo qui commerce avec le continent le plus pauvre au monde.

De toutes les raisons qui me motivent, la curiosité est la principale. Je me suis préparé comme pour une expédition, je n’avais rien d’autre à faire. De longues journées d’attentes à Tema avant l’arrivée du bateau, qui ont fait suite à des semaines de démarches pour trouver une compagnie, acheter un billet et finalement traverser trois pays pour arriver au pied de la passerelle. Durant mon dernier séjour à terre, j’ai acheté des oranges, de la canne à sucre à mâchouiller, des biscuits avec la tête d’Obama dessus, 1kg de Nutella fabriqué au Ghana et qui sent le beurre d’arachide, du dentifrice, bref de quoi tenir en autarcie loin de tout. Passer dix jours en mer, même à bord d’un bateau long de 200 mètres et haut comme un immeuble de huit étages, c’est comme traverser un désert. J’ai aussi conservé un stock de médicaments en cas de diarrhée de dernière minute ou de crises de paludisme à retardement…

En fin de compte, ces fruits ne m’ont pas servi, la nourriture est abondante mais peu diverse : pâtes à tous les repas dans ce bateau sous pavillon italien, puis poisson et un énorme morceau de viande, des fois avec des légumes, puis un fruit. Les services sont à 7h30, midi et 18h. Ceux qui ne peuvent être présents ont une assiette couverte de cellophane qui attend à leur place attitrée la fin de leur quart. En tant que passager, je suis à la table d’honneur avec le capitaine et les officiers en second.

27 hommes sont à bord, dont un tiers d’Italiens et le reste d’Indiens. La routine pèse sur ces hommes forcés de vivre confinés dans cet espace somme toute restreint. Les ordinateurs portables et lecteurs MP3 sont leur refuge le soir, une fois leur huit à douze heures de travail terminées. Un passager à bord sur un trajet Afrique-Europe, ce n’est pas fréquent et c’est une animation bienvenue même si les contacts sont rares en dehors des officiers que je côtoie à table. La domination du Nord sur le Sud est toujours présente : les salaires des Italiens sont environ deux fois plus élevés que ceux des Indiens. Le temps passé à bord est aussi différent : quatre mois pour les marins européens, sept pour les autres. Symboles de la mondialisation, les marchandises transportées sont des produits chimiques ou manufacturés dans le sens Nord-Sud (principalement de vielles voitures trop polluantes pour le Nord, mais aussi des camions, des engins de travaux…) et des produits bruts dans le sens Sud-Nord (cacao, arbres, légumes…).

Je passe mon temps dans ma cabine, à jouer avec un vieux jeu de 1994 récupéré la veille du départ sur Internet. Je fais quelques photos et des vidéos à bord, édite quelques reportages, lit très doucement le seul roman qui me reste et que j’ai pu trouver au Bénin dans une auberge pour volontaires. La salle de gym du bateau me permet de faire un peu de vélo et de soulever des poids une demi-heure par jour. J’ai aussi des centaines de films sur mon disque dur et j’en regarde plusieurs d’affilée. Tous les jours vers 9h, le steward qui fait le service pour les officiers vient faire le ménage.

Dehors le paysage est monotone : une mer de nuages sur un océan aquatique, une variation de bleu qui bouge très lentement, nous avançons à 18 nœuds, ce qui doit correspondre à 33 km/h environ. Nous croisons de rares bateaux lorsque notre route emprunte les axes de navigations. L’espace à beau être immense, l’organisation du commerce international nécessite toujours de faire les trajets au plus court et les bateaux suivent des circuits bien définis. Pas d’oiseau dans le ciel, même à proximité des îles Canaries au large du Maroc, mais quelques dauphins vus de loin et des poissons volants du haut de la passerelle. Nous avons été suffisamment proches pendant quelques heures pour capter le réseau de téléphonie et chacun a passé un appel à sa famille. Par chance, nous avons eu droit au coucher de soleil sur les îles, avec un ciel nuageux couvrant ces reliefs dépassant de l’océan Atlantique. Comme un cliché, l’eau est devenue dorée, les silhouettes des îles ont viré du bleu profond au noir, et les nuages ont été percés des derniers rayons de soleil inondant cette scène d’une lumière féérique. Voir ce spectacle de la nature depuis le large fut un moment unique que peu de personnes ont eu la chance de vivre.

Le ronronnement du bateau est continu. Les vibrations du moteur de ce géant au ventre vide de retour d’Afrique se répandent dans les murs, les meubles et tout ce qui peut bouger, la houle de la haute mer cogne contre la coque, la ventilation souffle tout le temps et le vent du large siffle au dehors. En même temps, les mouvements lents du gîte et du tangage me bercent dans mon lit ou me font tituber lorsque je marche. Je n’ai pas le mal de mer mais je sais qu’en arrivant à terre, j’aurais toujours l’impression de marcher sur une eau en mouvement, au moins pendant quelques heures.

J’ai eu droit à deux visites du bateau, sans compter un rapide tour pour la sécurité avec les combinaisons étanches, les bouées et le bateau de survie. Un officier italien m’a fait visiter les ponts et un officier indien la salle des machines. C’est grand, parfois sale mais en bon état, et les murs sont régulièrement couverts d’affiches ou de mots d’ordre pour la sécurité. Des plans du bateau sont accrochés partout avec les différents points d’équipements de secours, d’électricité, d’eau, et je ne sais quoi encore. Le pont, là où les commandes du bateau sont regroupées, est tout en haut, au 13e étage. L’endroit est clair avec toutes ces vitres panoramiques qui permettent d’observer la mer, et étonnant avec ces cadrans, radars, manettes et téléphones. De là, on commande tout le navire et on communique avec la terre. »


- Vous pouvez continuer à rêver en regardant les photos de Benka…

- … et surtout découvrir l’ensemble de son périple sur le site Avenir Climat

- NB : pour embarquer à bord du Grande Nigeria, Benka a suivi les conseils de l’association de voyageurs Club Cargo et a dû payer un titre de transport qui lui a coûté le triple d’un billet d’avion.

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Après des études de géographie, je travaille 5 ans pour la communauté de communes de l’autunois sur le premier Agenda 21 de Bourgogne, un programme d’actions pour le développement durable. Je décide d’arrêter ce travail pour me lancer dans un voyage au long court et fêter mon 30ème anniversaire sur la route. Le thème de ce voyage sera le changement climatique : le principal enjeu écologique et social actuel. Le voyage "Avenir climat" a lieu en Europe et en Asie, sans utiliser l’avion pour rester le plus possible en contact avec les régions traversées et éviter de rejeter des gaz à effet de serre.

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  • J’ai utilisé le cargo pour rentrer en Europe après 3 mois de voyage en Afrique. Plusieurs conférences et expositions photo auront lieu en France dans les mois à venir pour présenter mon voyage de plus de 2 ans sur le thème du climat.

    La première est dans mon village à Auxy le 6 juillet à 20h, spécialement sur les photos et les rencontres en Afrique, avec la participation de l’association SURVIE qui travaille en particulier sur la françafrique.

    Pour venir, il y a une carte ici : http://bit.ly/bTXfQK

    17.06 à 21h14 - Répondre - Alerter
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