Et si le dioxyde de carbone était une matière première et non un déchet ? Après tout, on le dissout bien dans l’eau pour faire des bulles ! N’y aurait-il pas moyen de valoriser ce gaz, plutôt que de le laisser bêtement réchauffer le climat terrestre ? Une étude de l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, a fait le point il y a quelques mois sur les filières qui pourraient – ou pas – contribuer à réduire les 30 milliards de tonnes annuelles de rejets mondiaux de CO2. Aujourd’hui, moins de 1 % fait l’objet d’une valorisation. Panorama des recettes pour l’avenir.
Récupérer du pétrole
Selon l’étude de l’Ademe, c’est l’utilisation la plus « mature » du gaz carbonique. En injectant du CO2 dans les puits de pétrole et de gaz, on récupère plus d’hydrocarbures. La technologie se pratique déjà sur quelques gisements, comme ceux de Weyburn et Midale au Canada. Le gaz provient d’une usine américaine qui transforme du charbon en gaz. Il est transporté par pipeline sur 320 km et injecté à 1 500 m de profondeur. Un projet similaire est à l’étude en Chine. Principal avantage : une fois le puits épuisé, le dioxyde de carbone ne retourne pas dans l’atmosphère. Mais, s’il peut déjà être rentable – notamment dans les pays où il existe des quotas d’émission de CO2 –, le procédé n’absorbera que quelques dizaines de millions de tonnes de CO2 par an.L’avis de « Terra eco » : utiliser du CO2 pour extraire du pétrole, c’est le serpent qui se mord la queue, non ?
Faire des bullesBuvez du soda ! La plupart d’entre eux – et beaucoup d’eaux pétillantes – sont gazéifiés avec du gaz carbonique. Mais aujourd’hui, on produit du CO2 exprès ! On pourrait donc éviter quelques millions de tonnes d’émissions chaque année en récupérant le gaz, dans des centrales à charbon par exemple. Des projets ont encore une fois été lancés en Chine. Mais comme il faut un gaz ultrapur pour cet usage alimentaire, le coût reste prohibitif pour un procédé qui ne séquestre pas vraiment le CO2… puisqu’on le rote !
L’avis de « Terra eco » : pour emprisonner – quelques minutes – l’ensemble des rejets de CO2 de l’humanité, chaque terrien devrait boire 600 000 litres de liquide pétillant par an. Vous avez soif ?
Faire du carburant
Il y a de l’énergie à revendre dans la molécule de dioxyde de carbone. Mais pour la récupérer, il faut casser cette molécule, et donc… dépenser beaucoup d’énergie. De nombreux procédés existent, qui permettent de produire du méthane, des alcools et autres combustibles. Une usine de méthanol doit ainsi bientôt démarrer sa production en Islande. L’idéal serait donc de pouvoir utiliser l’énergie solaire ou la géothermie.
L’avis de « Terra eco » : pourquoi ne pas utiliser plutôt cette énergie pour produire de l’hydrogène qui, brûlé, ne rejette que de l’eau ?
Un aliment pour les alguesA longueur de soleil, les algues pompent du CO2 pour en faire une matière riche en huile. D’immenses bassins en plein air ou des bioréacteurs pourraient produire les fameux algocarburants. Les projets-pilotes relatés par l’Ademe laissent penser que ces procédés pourraient être rentables avec un prix du pétrole plus élevé.
L’avis de « Terra eco » : tout dépend des méthodes de culture et de production (apport d’engrais, extraction des huiles, raffinage), mais le remède pourrait être bien pire que le mal.
Elaborer des plastiquesIl existe déjà des usines – rentables – de production de polycarbonates à partir de dioxyde de carbone. L’Ademe relève que le potentiel de cette voie pourrait permettre de valoriser dans le monde plusieurs centaines de millions de tonnes de gaz carbonique par an. Seulement, il faudra faire des produits durables et de sérieux progrès en compétitivité.
L’avis de « Terra eco » : pour l’instant, les procédés utilisent des solvants toxiques. On attend encore les bonnes idées.
Construire des logementsC’est le graal. Avec un potentiel qui se chiffre en milliards de tonnes de CO2 par an, qui seraient séquestrées ad vitam æternam. En injectant le gaz dans une eau riche en magnésium ou calcium, on fabrique des carbonates dont on peut tirer du ciment. Mais le séchage est très gourmand en énergie. La firme américaine Calera injecte du dioxyde de carbone dans l’eau de mer, et espère séquestrer 500 kg de CO2 par tonne de ciment produite. Mais pour le moment, elle pompe plus de fonds que de carbone.
L’avis de « Terra eco » : ça vaut le coup d’essayer, mais mieux vaut prévoir un délai avant la rentabilité. Pour cette piste comme pour les autres, la recette miracle ne sera pas vite faite… sur le gaz. —
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