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2-12-2004
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Social
Société
Europe

Berlin fauchée, Berlin heureuse (suite)

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Alors, de quoi vit Berlin ? "Ca, je me le demande à chaque fois que je me promène dans la rue... Ici, 60% de la population vit de transferts sociaux et donc ne travaille pas. Bien souvent, pour les retraités par exemple, c’est une situation justifiée, normale. Reste que le chiffre est frappant : moins de la moitié de la population participe à la croissance. Du coup, elle stagne et Berlin n’est pas assez attractive." Le cercle vicieux, diraient les économistes. Mais Klaus Brake préfère positiver : "Le potentiel ne manque pourtant pas. L’université technique est renommée. Il y a une vraie richesse en terme de savoir-faire. Si Berlin avait l’attractivité d’une grande ville normale - sans vouloir devenir Munich par exemple - alors les problèmes de pauvreté pourraient être résolus les uns après les autres". Problèmes, dit le professeur. Au pluriel. Car Berlin n’est pas seulement une ville pauvre. C’est aussi une ville de pauvres.

2 Berlinois sur 3 sont "relativement pauvres" !

Là encore, les chiffres sont clairs. Selon une étude réalisée par l’office des statistiques du Land en 2003, 15,6% des Berlinois (533000 personnes) vivent en dessous du seuil de pauvreté tel qu’il est défini par la Commission européenne. Il correspond à la moitié du revenu net moyen. A Berlin, celui-ci est de 1213 euros pour un adulte. Officiellement, la pauvreté commence donc à 606 euros pour une personne seule, 1333 euros pour un couple avec un enfant. Il faut ajouter un autre chiffre - celui des relativement pauvres, c’est-à-dire ceux qui vivent entre les deux seuils, avec moins de 1213 euros et plus de 606 euros : des étudiants, des retraités, des mères au foyer, des chômeurs... Au total, 62% de la population ! Et les chiffres sont en constante hausse.

"La pauvreté, ce n’est pas seulement une histoire de revenu", souligne Helga Burkert, en charge du dossier pauvreté et exclusion sociale au gouvernement du Land. Mais les indicateurs dits "sociaux" ne sont guère meilleurs pour Berlin. Une personne décédée sur quatre n’a pas atteint l’âge de 65 ans, et la moitié de ces morts précoces auraient pu être évitées grâce à une intervention médicale, à la prévention ou à un traitement. Le nombre de décès consécutifs à des cancers du poumon ou des bronches est supérieur à la moyenne nationale. L’alcoolisme également. 12% des enfants en classe de CP présentent des problèmes de poids liés à une mauvaise alimentation. Enfin, dans certains quartiers, un habitant sur quatre n’a aucune formation professionnelle.

Bernd le désinvolte

Mais surtout, dans la rue, la modestie saute aux yeux. Nombreux sont ceux qui se serrent la ceinture sans pour autant vivre sous les ponts. Bernd Braun par exemple. Il y a huit ans, ce trentenaire a échappé à la rue de justesse. Fichu à la porte pour loyer impayé alors qu’il était au chômage. Il s’est accroché en vendant un journal de SDF, le Motz. Entre temps, le Motz a étendu ses activités de réinsertion pour SDF et a créé quinze emplois. Bernd Braun, salarié à temps plein, gagne 1000 euros par mois. Il vit en colocation avec une autre personne, dans un appartement au loyer de 480 euros. "Franchement, je n’ai pas à me plaindre", dit-il. Pourtant, il a le visage et les cheveux ternes, les vêtements râpés, et il fume de mauvaises cigarettes.

Bernd s’occupe de la gestion des équipes "vide-grenier" du Motz. Une tournée par semaine pour récupérer ce dont les Berlinois se débarrassent et un magasin flambant neuf sur la prestigieuse Friedrichstrasse, à deux pas du touristique Checkpoint Charlie. "Ce magasin est fait pour les pauvres que l’on ne voit pas : ceux qui travaillent mais gagnent peu, ceux qui ont un toit mais mal chauffé, ceux qui mangent à leur faim mais se soignent mal", détaille Bernd. On pense forcément un peu à lui. Ou à Sabine, 27 ans, diplômée de sciences politiques, qui rassemble 750 euros par mois avec un boulot à mi-temps en attendant de trouver mieux : "Je viens de changer d’appartement, ici je vais trouver à m’équiper pour pas grand-chose". Ou à Werner, 49 ans, à temps partiel également : "Je cherche des sacoches de vélo, mon seul moyen de transport. Le métro, c’est trop cher." Il sourit découvrant un large trou dans sa mâchoire supérieure. Trop cher aussi, le dentiste.

Des loyers défiant toute concurrence

"Voyons les choses en face : si Berlin compte autant de pauvres, c’est aussi parce que c’est une ville où les gens modestes peuvent vivre. Car elle est très bon marché", souligne Helga Burkert, notamment au sujet des loyers. "43% des appartements berlinois datent d’avant 1948. Ils ne sont pas forcément bien équipés. Du coup, les loyers restent bas. De plus, beaucoup de contrats ont été conclus il y a longtemps, ce qui limite la hausse des prix". Ainsi, dans les arrondissements du nord, on peut payer 100 euros pour un deux pièces de 60 mètres carrés encore chauffé... au charbon. Dans le centre, les prix décollent un peu, mais à peine. A Kreuzberg, compter 550 euros pour 80 m², 250 euros pour un studio. En outre, la colocation est très fréquente, et pas uniquement chez les étudiants. Elle permet, pour une bouchée de pain, de loger dans des trésors immobiliers. L’appartement de Bernd Braun, au cœur d’un quartier ouvrier actuellement à la mode, atteint 120 m², balcon et moulures au plafond inclus. D’ailleurs, avance-t-il, si la pauvreté se voit plus qu’ailleurs, c’est peut-être parce qu’elle n’est pas rejetée à la périphérie, comme en France par exemple. "Les arrondissements où il y a le plus de pauvres sont ceux autour du quartier gouvernemental au centre", enchérit Helga Burkert. A l’opposé, les plus riches des Berlinois habitent les arrondissements pavillonnaires du sud, parfois à plus de dix kilomètres du centre-ville, sur les rives du lac de Wannsee.

Berlin a des airs de ville américaine : centre décisionnel entouré de quartiers modestes et banlieue dorée. Et si justement c’était cela, sa chance ? A l’aune de son rapport sur l’avenir de la ville, le professeur Klaus Brake est enthousiaste : "C’est une bénédiction que Berlin soit si bon marché. Comme ça elle conserve ses pauvres étudiants, ses artistes à l’imagination débordante qui vivotent ici ou là, ses originaux, ses marginaux, ses débrouillards... C’est une ville de gens qui n’ont pas beaucoup dans la poche mais beaucoup dans la tête. Des gens qui, dans quelques années, auront de bonnes idées, fonderont des entreprises. En terme de potentiel, Berlin est loin, très loin d’être pauvre !"

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