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Vers la COP21 et autres histoires

Par Pierre Lefevre
27-10-2014
Mots clés
Eau
Climat
Agriculture
France

Sivens : un barrage contesté

Ce samedi, le projet de barrage de Sivens (Tarn), a réuni deux mille opposants, riverains et écologistes. Ce futur barrage que défend le Conseil général du Tarn devrait avoir une capacité de 1,5 million de m3. Ce projet est destiné à réguler le Tescou qui connaît régulièrement des situations de sécheresse durant l’été. Il s’agit ainsi pour l’essentiel de permettre l’irrigation durant ces périodes, principalement des champs de maïs. Depuis septembre les travaux de déboisement qui ont commencé sur une zone de 13 hectares ont provoqué des échauffourées parfois violentes avec les forces de l’ordre.

Le collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet, l’une des organisations qui s’opposent au barrage, explique sur son site que le projet porterait atteinte à l’environnement. Le barrage devrait en effet être construit sur des espaces boisés classés et une zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF). Cette qualification permet d’identifier par des experts scientifiques des zones de conservation qui doivent en principe être prise en compte dans les projets d’aménagement comme un barrage. Par ailleurs, le barrage ennoierait une zone humide importante. La DREAL (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) qui a donné un avis favorable au projet indiquait toutefois dans son avis du 9 juillet 2012, que « la réalisation du projet entraînera directement par ennoiement la destruction de 12,7 ha de zones humides et indirectement, du fait de la création du barrage, la perte de fonctionnalité de 5,4 ha ».

Plusieurs organismes officiels ont donné un avis défavorable au projet. C’est le cas notamment du Conseil scientifique régional du Patrimoine naturel de Midi-Pyrénées. Composé de spécialistes reconnus pour leur compétence scientifique, il a considéré que l’analyse bénéfice-risque du projet était défavorable. Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) a également rendu deux fois un avis négatif compte tenu des manquements sur la protection des espèces.

Enfin, l’AFP dit le 26 octobre s’être procuré un rapport d’experts commandé par le ministère de l’Ecologie qui critique fortement le projet. Surestimations des besoins pour l’irrigation, pas d’analyse de solutions alternatives, coût de l’eau stockée très élevée, faiblesse de l’étude d’impact… Pour autant, compte tenu de l’état d’avancement des travaux, le rapport ne préconise pas l’arrêt du projet mais la mise en place d’un comité de suivi multi-acteurs.

La question posée par le barrage de Sivens ne concerne pas que le Tarn mais bien l’ensemble du Sud de la France. La ressource en eau est limitée et doit être partagée entre tous les acteurs du territoire et dans le respect de l’environnement. Il s’agit ainsi d’une question éminemment politique à laquelle on n’apporte ici qu’une réponse technique en cherchant à augmenter la ressource dans les périodes de pénuries et pour 80% pour l’agriculture. Mais la question d’une meilleure gestion de l’eau et des économies possibles à réaliser est rarement posée. C’est aussi une vision « court-termiste » qui s’impose. Avec le changement climatique en cours, les périodes de sécheresse ont de forte chance de se multiplier. Or, un ouvrage d’art comme la retenue de Sivens, ou ailleurs des retenues collinaires, ont des coûts qui doivent être rentabilisées sur plusieurs décennies. Il est à craindre que le changement climatique ne rattrape le calendrier financier et ne permette jamais de rentabiliser ces installations très capitalistiques.

Ne faut-il pas aujourd’hui anticiper ces modifications et entamer la transition pour s’adapter à la nouvelle donne climatique au lieu de toujours aller vers l’avant avec une politique de l’offre ? Ne faut-il pas envisager de modifier progressivement les cultures du Sud de la France gourmandes en eau, en particulier le maïs ? Les tensions relatives à la possession et à l’utilisation de l’eau vont s’accroître dans les prochaines années. Malgré des siècles d’efforts de maîtrise consacrés à la mise au point de techniques et à la réalisation d’aménagements visant à améliorer la disponibilité de l’eau, cette dernière demeure en effet une limite fondamentale pour le développement des activités humaines. Il faut donc apprendre à la partager entre différents utilisateurs et entre différents usages. Les décisions ne peuvent se prendre que de façon concertée en accord avec l’ensemble des acteurs.

Des techniques existent pour améliorer l’efficacité des systèmes d’irrigation et accroître l’offre, mais de toute façon, sans un partage équitable et durable, l’eau viendra toujours à manquer. La question n’est ainsi pas technique mais bien politique. Comment partager cette eau ? Avec qui ? Selon quelles modalités ? Ce sont en réalité les seules questions qui vaillent aujourd’hui.

Voir le site de l’auteur : www.lefevre.international

Voir également l’article de Amélie Mougey sur le site de Terraeco.net : A quoi va servir le barrage de Sivens ?

Mots-clés : Eau | Climat | Agriculture
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