publicité
haut
Accueil du site > Actu > Green People > Amory Lovins, sobre et de bon coût
Article Abonné
29-08-2013
Mots clés
Energies
Portrait

Amory Lovins, sobre et de bon coût

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
Amory Lovins, sobre et de bon coût
(Crédit photo : ben stechschulte - redux - réa)
 
Depuis 1976, le chercheur américain vante l’efficacité énergétique et le développement des renouvelables. Et pour faire passer son message aux politiques et aux patrons, il en chiffre inlassablement les bénéfices sonnants et trébuchants.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
SUR LE MÊME SUJET

« Deux routes divergeaient dans un bois et moi, j’ai pris celle par laquelle on voyage le moins souvent. (…) C’est cela qui a tout changé. »Octobre 1976. Amory Lovins, alors porte-parole des Amis de la Terre en Grande-Bretagne, publiait dans Foreign Affairs, sous cette citation du poète Robert Frost, un article intitulé « Stratégie énergétique : la route non prise ». Le succès fut aussi éclatant que fortuit. « Je me suis trouvé dans le même numéro qu’un article rédigé par un ex-officiel israélien avec une carte figurant des frontières contestées. Ça a entraîné une large controverse et les gens ont acheté le magazine. » Repéré par quelques curieux, son texte devient le plus republié de l’histoire de la revue.

Car il défriche cette route jusqu’ici boudée des experts : l’énergie. Depuis plusieurs années déjà, le jeune Américain y a risqué ses pas. « J’avais beaucoup lu sur les problèmes émergents : les ressources, la sécurité, l’économie, le développement, l’environnement… Il m’était apparu évident que l’énergie était une pièce clé du problème », poursuit-il, en mordant dans un sandwich crudités-jambon. Dans la petite salle de Sciences-po qui l’accueille ce jour-là pour une conférence, l’homme enchaîne les interviews, avec un stoïcisme courtois. Et conte : en 1971, alors étudiant à Oxford, il réclame le droit de plancher sur ce sujet. « Ils m’ont dit : “ Pourquoi ne choisissez-vous pas un vrai sujet d’étude ? ” » Il quitte Oxford. Deux ans plus tard, c’est le premier choc pétrolier. Il tient sa revanche.

En 1976, avec l’article de Foreign Affairs, il gagne ses lettres d’expert : « Tout le monde savait déjà que la solution énergétique conventionnelle ne fonctionnait pas, que c’était trop cher, trop lent, trop polémique, mais personne ne savait quoi faire. Moi, j’ai pris le problème à l’envers. Je me suis dit : “ Ce que nous voulons, ce n’est pas de l’énergie, c’est de la visibilité, du confort, de la mobilité… ” »

Sobriété des électrons

Pour cela, pas besoin de gonfler les rangs des électrons. L’électron le plus efficace – et le moins cher – est celui qu’on ne dépense pas. Aussi l’homme vante-t-il les mérites de l’efficacité énergétique des véhicules, de l’isolation des logements. Des truismes d’aujourd’hui, du tout neuf à l’époque. « Il avait une vision avant-gardiste. Le reste de la société l’a rejoint petit à petit », souligne Marc Jedliczka, porte-parole de l’association Négawatt. Négawatt ? Un titre emprunté à l’Américain, fruit d’une coquille repérée dans un article : « négawatt » pour « mégawatt ». Le terme deviendra nom de code pour la puissance économisée.

Pour résoudre l’équation écologique, l’homme dessine dans ses ouvrages des voitures propres, des immeubles calfeutrés, des usines sobres. Objectif ? Débarrasser les Etats-Unis du pétrole et du charbon d’ici à 2050 et réduire la consommation de gaz naturel d’un tiers. « Réinventer le feu (son dernier ouvrage, ndlr) ressemble comme deux gouttes d’eau à un fantasme techno-bénéfique, s’agace le député Vert européen Yves Cochet. Amory Lovins pense que la révolution est dans les choses. Mais ce sont des contes de fées. Il oublie les facteurs géopolitiques, géologiques, psychosociaux, politiques… » « L’arithmétique n’est pas une opinion », se défend l’intéressé, qui entend convaincre ceux pour qui chiffres et technique sont paroles de business.

« Les gouvernements, c’est bien, mais qui met les choses en pratique ? C’est le monde des affaires et la société civile. » Pragmatique, l’homme l’est jusqu’à flirter avec ceux qui font – souvent – figure d’infréquentables. Dans la préface de son dernier livre se côtoient le président du pétrolier Shell et celui de l’électricien Exelon. Il ne se cache pas non plus de son amitié avec Robert Hefner, le boss de GHK Company et pionnier de la fracturation hydraulique. Et il siège au Conseil national du pétrole, chargé de porter les positions des industriels du brut et du gaz aux oreilles de Washington – « Je suis le seul membre qui conduit un véhicule électrique », ironise-t-il, en lorgnant un pain au chocolat qui signera la fin de son repas. Mais pourquoi de telles accointances ? « Nous avons besoin de ces grandes compagnies pour internaliser un nouveau business compétitif. Il faut transformer ce qu’on a déjà en possibilités commerciales. »

Le PIB échappe au sacrifice

Pour les décideurs, la recette d’Amory Lovins a ceci de séduisant qu’elle promet un PIB multiplié par deux dès 2050 : « Ce découplage entre croissance de PIB et décroissance de consommation énergétique n’a jamais existé dans le monde, critique Yves Cochet. Oui, on peut diviser les gaz à effet de serre par quatre, la consommation d’énergie par deux, mais alors, on divisera aussi la croissance par deux. » Imperturbable, Amory Lovins assure que son scénario se réalise déjà : « L’an passé, nous avons produit 1 dollar de PIB avec 3,7 % d’énergie en moins que l’année précédente. Ça n’était jamais arrivé auparavant. »

Irréductible optimiste ? Sûrement pas. « L’optimisme et le pessimisme sont deux formes du fatalisme, se défend-il, sans sourire. Dans les deux cas, vous traitez le futur comme une fatalité et vous ne prenez pas la responsabilité de créer ce que vous souhaitez. » Un concept que son think tank, le Rocky Mountain Institute, a adopté sous le nom de « applied hope » ou « espoir appliqué ». On est loin du doux rêveur. Pourtant, l’homme serait d’agréable composition : « Il est plein d’humour, joue du piano comme un dieu, fait des massages », assure Marc Jedliczka qui se souvient d’une soirée où il avait malaxé ses trapèzes. Après tout, ses théories visent à améliorer le bien-être : « Un bâtiment dans lequel vous pouvez voir ce que vous faites, vous entendre penser, respirer de l’air pur et être confortablement installé améliore votre travail de 6 % à 16 %. Les gens sentent moins la douleur dans les hôpitaux efficaces énergétiquement, produisent des produits de meilleure qualité dans des usines performantes. » Du bien-être, oui, mais qu’il ne peut s’empêcher de chiffrer. Pour Marc Jedliczka, Amory Lovins à une belle qualité. Il sait « traduire sa pensée dans la langue des banquiers ». —


En dates

1947 Naissance à Washington (Etats-Unis)

1967 Après deux ans à Harvard, il part étudier à Oxford (Royaume-Uni)

1976 Publication de « Stratégie énergétique : la route non prise »

1980–1981 Siège au Conseil consultatif du département de l’Energie

1982 Fondation du Rocky Mountain Institute, un think tank indépendant

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
Soyez le premier à réagir à cet article !
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas