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16-04-2014
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Développement
France
Monde

Aide au développement : les promesses que la France ne veut pas tenir

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Aide au développement : les promesses que la France ne veut pas tenir
(Crédit : White House)
 
Atteindre l'objectif fixé pour 2015 ? Impossible pour la France qui brandit la crise comme bouc émissaire. Mais cela fait en fait bien longtemps que l'administration devine qu'elle ne tiendra pas ses promesses. La preuve.
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Pour la France, l’aide au développement, c’est avant tout un chiffre en ligne de mire : 0,7%. Soit la part du Revenu national brut (RNB) que le gouvernement a promis de verser dans l’escarcelle des pays du Sud à l’horizon 2015. Un chiffre… qui s’apparente désormais à un mirage. En 2013, deux ans avant l’échéance, la France aura ainsi versé l’équivalent de 0,41% de son RNB, selon les chiffres publiés par l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) le 8 avril. On est loin du compte. Et pour longtemps, estiment certaines ONG. Pis, selon elle, l’administration le sait depuis longtemps.

Revenons un peu en arrière. L’engagement des 0,7% ne date pas d’hier. Non. Tiré d’un opaque chapeau dans les années 1970, par la Commission Pearson, il est repris par les Nations unies dans une recommandation non contraignante de 1970 (voir l’histoire du 0,7% par Clemens and Moss). « Chaque pays économiquement avancé augmentera progressivement son aide publique au développement aux pays en développement et n’épargnera aucun effort pour atteindre le montant minimal net de 0,7% de son produit national brut, aux prix du marché, au milieu de la décennie » (Art 43, résolution 2626 (XXV)). L’objectif est réitéré maintes fois au cours des années 1980 et 1990 avant d’être remis sur la table en 2002 à la Conférence de Monterrey (Mexique). Cette fois-ci, l’UE s’engage à atteindre les 0,7% en 2015. Mais le président français, Jacques Chirac, se veut bougrement plus ambitieux : il s’engage à ce que l’aide française atteigne 0,50% du RNB en 2007 et 0,7%… en 2012. Une promesse réitérée en 2005, au sommet du G8 à Gleneagles en Ecosse.

« Une schizophrénie française »

Trois ans plus tard, le paysage n’est plus si rose. Au sommet du G8 de Tōyako (Japon), Nicolas Sarkozy change son fusil d’épaule. Tout bien pensé, l’objectif sera plutôt pour 2015, comme pour les autres pays européens. Mais la détermination de la France n’a pas faibli, assure-t-il. En novembre 2008, à Doha (Qatar), il précise : « C’est un choix politique majeur, c’est un choix politique unanime. » En septembre 2009, devant des ONG, rebelote : « [La France] maintient le cap pour atteindre d’ici 2015, l’objectif fixé par les Nations unies de 0,7%. » La liste des déclarations assurant la communauté internationale de la bonne volonté de la France pourrait être bien longue.

Pourtant, pendant ce temps, dans les couloirs de l’administration, les chiffres mis en avant différent. Un rapport provisoire de la Cour des comptes récupéré par Oxfam (voir-ci dessous) en 2012 montre que dès 2008, respecter la promesse d’antan semblait moins aisé que prévu : « Les projections figurant dans le rapport confidentiel du deuxième comité de suivi de la RGPP (mai 2008) montrent qu’à coût budgétaire constant, la baisse des annulations de dette conjuguée aux conséquences de la départementalisation de Mayotte entraînera une chute de l’indicateur APD qui devrait s’établir, en 2015, à 0,29% du RNB » (page 126 du document). A moins d’un sérieux coup de collier, pas question de pouvoir tenir ses promesses. Un coup de collier que la France n’est pas franchement disposée à donner. Car pour respecter ses engagements, elle doit « augmenter annuellement ses crédits de près de 20 % par an pendant quatre années consécutives » (page 127). Aussi, « le co-secrétariat du Cicid (1), lors de sa réunion du 21 mai 2010, a recommandé la stabilisation de l’APD française à hauteur de 10 milliards d’euros (…). Cette stabilisation en valeur se traduirait par une baisse de la part du RNB consacrée à l’APD, qui s’établirait à 0,41M en 2015. »

pages123-128 by Terra_eco

Pendant ce temps, « la France continuait à exprimer sa politique devant la communauté internationale. A chaque conseil européen de juin, à travers le communiqué final commun aux pays de l’Union européenne, elle réaffirmait qu’elle atteindrait l’objectif (voir par exemple les conclusions du conseil de juin 2010). Il y a une forme de schizophrénie entre la position intérieure de l’Etat et ce qu’il affiche à l’extérieur », souligne Christian Reboul, d’Oxfam.

La Grande-Bretagne, bonne élève malgré tout

A titre d’excuses, pour le gouvernement français, la crise a alors déjà montré le bout de son nez. « Ça a été très clair à partir de 2010 que, malgré leur intention d’honorer le seuil de 0,7%, les pays de l’OCDE ne pourraient pas le faire dès 2015. C’était devenu irréaliste », souligne Yasmin Ahmad, chercheuse à la Direction de la coopération pour le développement de l’OCDE. Alors, en 2013, François Hollande passe la seconde : « Dès lors que nous renouerons avec la croissance, et j’espère le plus tôt possible (...) nous pourrons reprendre une trajectoire ascendante vers les objectifs internationaux que nous nous sommes fixé. »

Chez les ONG, on s’insurge. La crise, ce n’est pas une bonne raison. « Ce ne sont pas des montants énormes. Par rapport au budget de la France, 0,7% ce n’est pas grand chose, affirme-t-on chez Coordination Sud. On ne peut pas miser sur une baisse de la mission APD pour résoudre la crise. » Pour l’ONG, « ce n’est pas une fatalité. Regardez la Grande-Bretagne ! Elle a augmenté son APD de 30% en 2013. Pourtant elle est dans la même situation économique. »

« C’est une question de volonté politique, abonde Yasmin Ahmad. La Grande-Bretagne est passée de 0,56% en 2012 à 0,72% en 2013. Elle a fait un bond énorme parce qu’elle a planifié de le faire, qu’elle y tenait et qu’elle a mis le budget nécessaire. D’autres pays touchés par la crise ont aussi réussi, comme l’Italie, à faire progresser leur enveloppe – même si les niveaux engagés ne sont pas comparables – ou à moins de reculer, comme l’Espagne. »

Comparez ici, grâce à un outil interactif développé par l’OCDE, l’aide au développement versée par la France à celle des autres pays de l’OCDE :

Pour la France, l’objectif est plutôt à une stabilisation… toute relative pour Oxfam. Ainsi, précise l’ONG par mail : « Dans le PLF 2014 projet de loi de finance 2014, ndlr, les crédits APD votés, déjà en baisse de près de 6% par rapport à 2013, se verront appliquer un gel supplémentaire de 7% – qui n’a pas vocation à être dégelé – et qui entraîne de fait une baisse mécanique des crédits budgétaires d’une année à l’autre. » Et pour 2015 ? A en croire les prévisions de la direction du Trésor annexé au Plan de finances pour 2013, l’effort français se cantonnerait encore à 0,48% du RNB.

Loin des 0,7% initiaux. Mais qu’importe finalement : « Les engagements ne sont pas liants. Il n’y a pas d’accord internationaux normatif qui impose de les respecter », souligne Christian Reboul. Reste que pour Yasmin Ahmad :« L’objectif n’est pas abandonné, il est mis de côté. » D’ailleurs, souligne-t-elle : « Les pays sont en train d’émettre leurs propres objectifs personnels. Mais pour le moment, nous ne communiquons pas sur ces dates qui sont assez ambiguës. »

(1) Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) « définit les orientations de la politique de coopération internationale et de l’aide au développement. Il est présidé par le Premier ministre et composé des ministres les plus directement concernés par les questions de développement », souligne le site de la Direction générale du Trésor

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