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30-08-2013
Mots clés
Océans
Pollution
France

A Lannion, la biodiversité menacée par un projet d’extraction de sable

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A Lannion, la biodiversité menacée par un projet d'extraction de sable
(Crédit photo : marc lagneau - flickr)
 
En Bretagne, une société veut extraire le sable coquillier d'une dune sous-marine. Mais une grande partie de la population et les pêcheurs craignent les conséquences environnementales sur le site.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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En baie de Lannion, zone déjà affectée par les algues vertes, un nouveau problème préoccupe la population : un projet d’extraction du sable coquillier (1) d’une dune sous-marine située à moins d’un kilomètre de deux zones classées Natura 2000, dont celle de la réserve des Sept-Îles, sanctuaire d’oiseaux marins. Depuis 2009, la Compagnie armoricaine de navigation (CAN), filiale du groupe Roullier, a sollicité une demande d’exploitation de ce sable, destiné à une autre filiale du groupe, Timac Agro, spécialisée dans la « fertilisation raisonnée ». « Le sable coquillier récolté sera transformé en fertilisant pour l’amendement agricole, principalement régional. Avant, nous utilisions le maërl (2) collecté dans la baie de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor, ndlr) mais celui-ci est désormais protégé et l’Ifremer nous a demandé de nous tourner vers le sable coquillier », déjà exploité ailleurs en Bretagne, explique Pierre Le Coz, président de Timac Agro.

« Garde-manger des Côtes-d’Armor »

Seulement « aucun autre site n’accueille un projet de cette ampleur », souligne Corinne Erhel, députée des Côtes-d’Armor. La CAN envisage en effet de collecter chaque année 400 000 m3 de sable coquillier et ce sur une période de vingt ans. Surtout, c’est le site même de l’extraction qui pose problème : « Dès le premier coup de drague, les dégâts seront irréversibles. Or, c’est un lieu de vie et de biodiversité. Les pêcheurs l’appellent même le garde-manger des Côtes-d’Armor », affirme Alain Bidal, président du Peuple des dunes en Trégor. Ce collectif, qui réunit une cinquantaine d’associations et d’organismes professionnels, s’oppose farouchement au projet. « Et ce, quels que soient les aménagements sur sa temporalité ou les volumes », précise-t-il. Il s’appuie notamment sur un rapport de l’Ifremer qui conclut sur « un avis très réservé à l’autorisation d’ouverture de travaux d’exploitation ».

La réalisation du projet d’extraction pourrait aussi grandement affecter l’activité économique existante, notamment la pêche. La dune sous-marine est l’habitat privilégié des lançons, sorte de petites anguilles de mers à la base de la chaîne alimentaire des poissons pêchés dans la région comme le bar et le lieu. L’extraction de sable les délogera et avec, leurs prédateurs, c’est-à-dire la ressource halieutique des pêcheurs. Dans une note (3), l’Ifremer confirme que « la pêche devient impossible en zones d’extraction ; la règlementation limite par ailleurs le voisinage des dragues (utilisées pour l’extraction, ndlr) et des navires de pêche. La conchyliculture, la navigation de plaisance et la pose de câbles sous-marins sont aussi affectés potentiellement par l’extraction. » De fait, « s’il était mis en œuvre, le projet conduirait à la disparition à court terme d’au moins 158 emplois directs et potentiellement beaucoup plus (420) en fonction de l’impact sur l’ensablement des plages, la disparition à moyen et plus long terme d’environ 500 emplois indirects supplémentaires et à des pertes de recettes pour la région concernée de plusieurs dizaines de millions d’euros », estime une étude de Peuple des dunes en Trégor.

Pourtant, suite à l’enquête publique réalisée en 2010, le commissaire enquêteur conclut que « l’intérêt général concerne prioritairement la continuité de la CAN », affectée par l’arrêt de trois sites d’exploitation du maërl, « et la garantie du maintien des emplois » de la compagnie, environ 29. Et donnait donc un avis favorable au projet sous réserve de la mise en place des mesures de suivi environnementales adaptées.

Pêcheurs et associations ne sont pas d’accord

Une décision incomprise au niveau local. Les conclusions du Commissaire enquêteur montrent d’ailleurs le rapport de force très défavorable au projet : au cours de l’enquête publique, 271 avis favorables ont été recueillis (19,32%) principalement de la part de « la filière agricole et des marins embarqués sur les dragues aspiratrices de la société CAN » et 1 132 avis défavorables (80,68%) « émanent des pêcheurs professionnels, d’associations environnementales, d’élus et de personnes soucieuses des impacts potentiels sur la faune et la flore et la conservation des sites Natura 2000 », rapporte-t-il. Encore récemment, une pétition adressée au gouvernement par une association du collectif du Peuple des dunes a été signée par 16 000 personnes.

« Les élus des 13 communes concernées, ainsi que Morlaix et Lannion, sont tous contre le projet d’extraction », souligne Corinne Erhel. « Mais attention, reprend-elle, nous ne sommes pas contre l’extraction de sable dans le principe, seulement dans ce lieu précis car il y a un conflit d’usage ainsi que des risques économiques et environnementaux qui n’ont pas encore été bien mesurés. »

Une conciliation possible ?

La CAN, de son côté, se fait discrète et avare de commentaires. Au sortir d’une réunion de concertation le 27 août au ministère du Redressement productif, le président de la compagnie, Sébastien Floc’h rappelle seulement que « la procédure administrative est close et s’est conclue par un avis favorable » et que la concertation voulue par le ministre, qui doit avaliser ou non l’octroi non d’un titre minier à la compagnie, est « tout à fait légitime ».

« Nous avons appris lors de la réunion que la CAN avait réalisé plusieurs études, une vingtaine semble-t-il, dont nous n’avons jamais eu connaissance… », regrette pour sa part le président de l’agglomération de Lannion-Trégor Agglomération, Joël Le Jeune, également présent à Bercy le 27 août. Une nouvelle rencontre est donc prévue à la fin du mois de septembre. Pour le moment « on ne peut pas dire dans quel sens Arnaud Montebourg va trancher », jauge l’élu. Dans son communiqué de presse publié à l’issue de la réunion, le ministère indique que « la volonté du ministre est de mettre tout en œuvre pour permettre aux différentes activités économiques de se développer tout en préservant l’environnement unique de la baie de Lannion ». Peuple des dunes en Trégor a déjà annoncé son intention de faire appel de la décision si elle lui était défavorable. Nul doute que la CAN fera de même dans le cas contraire.


Le sable en voie de disparition

C’est la troisième ressource naturelle la plus abondante, après l’air et l’eau. Et pourtant elle est en voie de raréfaction. C’est ce qu’a permis de découvrir un documentaire de Denis Delestrac tout aussi passionnant qu’inquiétant diffusé sur Arte en juin 2013 : « Le sable, enquête sur une disparition ». Le sable marin entre à 80% dans la composition du béton, matériau monopolistique de la construction, ce qui entraîne son exploitation massive – légale ou illégale – sur les plages du monde entier. Les conséquences environnementales se font déjà sentir : dans certains coins du globe, comme dans l’archipel des Maldives, les plages se réduisent à portion congrue, rendant les terres offertes à l’érosion et les populations installées sur la côte de plus en plus vulnérables à la montée des eaux.

Le sable coquillier de la baie de Lannion n’a pas vocation à être vendu pour un tel usage mais le documentaire, qui a été relayé par Peuple des dunes en Trégor, a aussi élargi le spectre de la contestation du projet. « Les gens ont pris conscience de l’importance des problèmes que cela pouvait poser et m’en parlent », souligne Corinne Erhel, députée des Côtes-d’Armor.

(1) Le sable coquillier est un sable marin calcaire composé de gros morceaux de coquillage.

(2) Le maërl est constitué de squelette d’algues calcaires. Il est actuellement protégé et son exploitation sera interdite en 2014.

(3) Extraction de matériaux marins/SRM GDG, Régis Kalaydjian.

Cet article de Béatrice Héraud a été initialement publié sur le site de Novethic, le média expert du développement durable, le 30 août 2013.

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