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1/6. Berkeley, l’intello bio bobo

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Berceau de l'alimentation bio, paradis de la Toyota Prius hybride et du podomètre, la voisine de San Francisco représente la cité écolo par excellence. Son objectif : baisser de 80% son empreinte carbone d'ici à 2050. Première étape sur la route du paradis vert californien.
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Aux heures de pointe, le Bay Bridge, qui relie San Francisco à Berkeley, dégouline de files de voitures. Ce pont suspendu ébranlé par le tremblement de terre de 1989 est en travaux depuis deux décennies. Six milliards de dollars ont depuis été engloutis pour financer le lifting de cet ouvrage symbolique qui ouvre sur Berkeley, la cité verte par excellence. Autrefois berceau des hippies et du mouvement contestataire, la ville s’est depuis assagie. Jonathan Youtt, organisateur du Sustainable Living Road Show, beaucoup moins. Le chef d’orchestre de ce spectacle ambulant prêche les vertus du développement durable aux quatre coins du pays.

Délogés de leur perchoir

On le retrouve un beau matin au cœur d’un quartier industriel de Berkeley. La quarantaine et le cheveu en pétard, ce New-Yorkais sort la tête de son bus tapissé de panneaux solaires. C’est une pièce de musée à bord duquel il sillonne le pays. Avant lui, il appartenait à une célébrité du coin – Julia Butterfly Hill – devenue icône des environnementalistes après avoir vécu deux ans perchée dans un séquoia en signe de protestation. La démarche a fait des émules. En septembre 2008, quatre tree sitters ont été délogés de leur perchoir sur le campus de la fac après vingt et un mois de campement. Leurs chênes ont fini par être sciés et ont fait place à une salle de sport. Conscience verte oblige, la ville s’est engagée à planter trois arbres pour chaque tronc coupé.

Ici, la Toyota Prius hybride est reine. « Signe extérieur de “ green ”, elle représente 2,7 % du nombre total de véhicules que compte la ville, un chiffre quatre fois plus élevé que la moyenne californienne », confirme Matthew Kahn, professeur d’économie à UCLA. Sur San Pablo avenue, l’artère commerciale de Berkeley, il n’y a pas grand-chose à voir. Si ce n’est Green Motors, « la maison des voitures préférées de la planète », qui a bouté il y a dix-huit mois un concessionnaire Cadillac. Marc Korchin, bonhomme replet vêtu d’une chemise verte hawaïenne, n’y vend que des voitures « propres » (électriques ou hybrides). Ex-informaticien, il est devenu garagiste histoire de sauver la planète des gaz nocifs. Ou tout du moins sa ville natale. Plus royaliste que le roi, son voisin Paul Guzyk, cofondateur de 3prongpower, pousse le vice jusqu’à convertir les Prius en modèle électrique, Plug in (moyennant 4 700 euros). Pour les rendre encore plus propres.

Podomètre à la ceinture

Pour les 100 000 habitants de Berkeley, la vie est un compte à rebours. L’idée, validée par référendum en 2006, est de réduire de 80 % l’empreinte carbone de la ville d’ici à 2050. La municipalité organise des ateliers gratuits encourageant les participants à se délester de plus de 2 tonnes de carbone en trente jours. Weight Watchers en pâlirait d’envie. Tom Bates, le maire, montre l’exemple. A 71 ans, il a troqué sa Volvo pour les transports publics et la marche à pied. Podomètre vissé à la ceinture et panama sur le crâne, il déambule à nos côtés dans les rues de la ville. La promenade tourne au catalogue de bons points avec Berkeley en pointe à tous les postes : de la filière de recyclage, créée dès les années 1970, jusqu’aux incitations à s’équiper en panneaux photovoltaïques. « Nous sommes les premiers à avoir adopté un programme de prêts garantis par la municipalité pour encourager nos résidents à s’équiper de panneaux solaires », raconte Tom Bates, tandis que des chants d’oiseaux nous signalent qu’il est temps de traverser.

Soudainement inspiré par une pancarte « interdiction de fumer » placardée sur un bâtiment, le maire saisit l’occasion pour brandir une statistique de plus. La ville recense 90 % de non-fumeurs. « Nos habitants vivent cinq ans de plus que l’Américain moyen », affirme-t-il, vantard. Ville des superlatifs, Berkeley peut s’enorgueillir d’une population sur-éduquée : 85 % de ses résidents ont un diplôme universitaire. « L’université est en passe de s’imposer comme le centre de recherche le plus avancé au monde en matière de biocarburants », rappelle, non sans emphase, Michael Caplan, responsable du développement économique de la ville. La région ambitionne même de concurrencer la Silicon Valley où les start-up du secteur de la clean tech poussent comme des fleurs. L’homme dévoile son plan d’attaque. Nom de code : Green Corridor. Pour Berkeley et les communautés voisines de la East Bay, il s’agit de créer un centre exclusivement dédié à l’éco-innovation. Et de retenir les entrepreneurs tentés par l’appel du large en facilitant leur implantation via toutes sortes d’incitations. Steven Chu, le secrétaire d’Etat à l’Energie de l’administration Obama, a d’ailleurs usé ses fonds de culottes sur les bancs de Berkeley. Ce champion des énergies renouvelables a ensuite dirigé le Laboratoire national Lawrence Berkeley avant d’être bombardé à la Maison Blanche.

Temple de la science

Direction la troisième meilleure université au monde. L’ambiance est paisible. Presque endormie. Les étudiants viennent de boucler leurs examens de fin d’année. Chris Somerville, éminent expert en biologie synthétique, nous ouvre les portes de son labo qui jouxte la Business School. Ce temple de la science a-t-il vendu son âme au secteur privé en acceptant 350 millions d’euros sur dix ans du géant pétrolier British Petroleum ? Pour cet homme posé, la polémique n’a pas lieu d’être. « Le rôle d’une université comme Berkeley est d’être ouverte sur le monde. Nous cherchons à résoudre un problème sociétal majeur. Pour cela, nous avons besoin de la science, mais nous devons également communiquer le résultat de nos recherches à des entreprises qui produisent de l’énergie. Nous ne cherchons pas à fabriquer des biocarburants pour le compte de BP mais à développer des plantes et des micro-organismes génétiquement modifiés afin de maximiser la production. Multidisciplinaire, l’institut cherche également à mesurer les impacts économiques, géographiques et environnementaux de cette production de biocarburants », précise-t-il. Dont acte.

Un parfum d’« oil embargo »

Retour dans le centre. Berkeley est également le berceau de l’alimentation bio popularisée par Alice Waters, papesse du mouvement Slow Food et chef du restaurant Chez Panisse. Sous son emprise, les écoles publiques de la ville ont désormais leur potager. La cantine de la Martin Luther King School sert ainsi des mets 100 % bio à ses élèves, issus pour l’essentiel de couches sociales défavorisées. « La bouffe à la cantine, y’a pas mieux », nous jure un groupe de jeunes basketteurs. C’est Marissa LaMagna, fondatrice de l’agence de voyages Green Tours, qui nous trimballe, dithyrambique, dans les rues de sa ville. « Nous sommes sur l’épicentre de la révolution verte », témoigne celle qui défilait en tenue sexy dans les rues de San Francisco pour dénoncer les dangers de l’atome dans les années 1970. Un coup d’œil sur le David Brower Center, immeuble flambant neuf et certifié vert, dédié à la mémoire du fondateur du Sierra Club et des Amis de la Terre, deux grandes associations écolos, et le pèlerinage peut se poursuivre.

Ici, tout transpire le vert. C’en est presque irritant. De Grateful Body, dont les produits de beauté 100 % naturels fleurent bon la poésie comme « oil embargo » et « aphrodisiac feast », à l’enseigne Urban Ore, royaume de la récup. Pause déjeuner chez Amanda’s, un fast-food vert et bio créé par une militante anti-malbouffe, suivie d’une visite chez Clif Bar, le fabricant de barres de céréales pour athlètes et champion du développement durable. Ses employés arborent tous des looks de marathoniens. Berkeley recense pas moins de 142 business certifiés verts, selon les chiffres de la mairie. Et même un « transcendentiste », cabinet destiné à ceux qui souhaitent visionner des films sur l’environnement et se faire masser les pieds tout en se faisant arracher une dent.

Berkeley s’enfonce dans l’obscurité. Nous passons saluer Paul Freedman, fondateur de Rock The Bike. A 29 ans, cet artiste, diplômé de Harvard, se produit dans les écoles de la région pour démontrer qu’on peut fabriquer de l’électricité en pédalant. « Effrayer les jeunes en leur parlant des dangers du changement climatique ne sert strictement à rien », assure-t-il. L’homme défie même le symbole sacré de Berkeley. « Pourquoi ne pas les convaincre de faire du vélo parce que c’est fun plutôt que de leur faire des grands discours sur les avantages de la Prius ? », avance-t-il tout en rechargeant son iPod. A coup de pédales évidemment. Chez les éco-citoyens de Berkeley, il est l’unique voix dissidente.

Photos Gilles Mingasson

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Correspondante de « Terra eco » en Californie, Anne Sengès est l’auteur de « Eco-Tech : moteurs de la croissance verte en Californie et en France », paru en novembre 2009 aux éditions Autrement.

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